Derrière le mot expatriation et dans l’imaginaire collectif se cache généralement du rêve : la belle vie, la plage, beaucoup de voyages et d’argent. Seulement la réalité n’est pas si simple ! Si beaucoup de personnes commencent par vivre ce rêve, ce que l’on appelle « la lune de miel » de l’expatriation, la réalité du quotidien rattrape les familles et avec elle son lot de difficultés liées ou non à l’expatriation. Ces difficultés que le fait de vivre à l’étranger peuvent rendre encore plus compliquées à gérer. Dépression, perte de repères, difficultés avec un adolescent qui vit mal l’expatriation, problèmes d’isolement sont des problématiques psychologiques que l’on rencontre régulièrement en tant qu’expatriés.

 

L’importance d’un accompagnement thérapeutique dans sa langue maternelle et dans sa culture

Dans ce podcast enregistré pour Stereo Chic, Aude de Villeroché revient sur certaines situations vécues par des Français résidant à l’étranger qu’elle a pu accompagner en tant que thérapeute. Des personnes qui sont souvent isolées et qui peinent à se faire aider afin d’y voir plus clair dans des situations parfois complexes.  Pour ces Français de l’étranger, la question n’est pas seulement de rencontrer un thérapeute qui pourra les aider en français mais plutôt de rencontrer un professionnel de leur culture. Ce point essentiel leur permet d’exprimer leurs ressentis plus finement, avec une rapidité de langage et de nuance qu’il est très difficile d’atteindre dans une langue autre que sa langue maternelle.

Aude réalise ses consultations en visio, ce qui lui permet d’atteindre ces personnes qui ne bénéficient pas forcément de beaucoup de ressources d’accompagnement psychologique là où elles se trouvent. Comme lui a très joliment dit un jour un enfant de parents binationaux à qui elle proposait de s’exprimer en anglais quand il butait pour s’exprimer en français : « Je ne peux pas car si je l’avais dit en anglais, je l’aurais exprimé autrement ».

Des défis très concrets pour les personnes qui vivent à l’étranger

Pour revenir sur les problématiques à l’origine de ces consultations, elles sont pour certaines complètement liées à la vie à l’étranger, et pour d’autres pas du tout ! C’est ce qu’il est important de comprendre pour pouvoir faire un appel à un professionnel. Un professionnel qui vient soigner si le problème relève de la santé mentale et accompagner les individus avant que la situation ne dégénère en dépression ou troubles du comportement. En effet, l’expatriation place les individus face à de nombreux défis très concrets :  

  • certains défis sont liés à la situation propre à la vie à l’étranger : l’éloignement de la famille, l’incompréhension créée par les projections faites par les familles restées en France sur ce que doit être la vie à l’étranger, le choc culturel…
  • d’autres encore sont similaires à ceux que l’on peut rencontrer auprès de consultants résidant en France, des questions d’éducation, de troubles du développement de l’enfant, des questions profondes d’identité…
  • d’autres défis concernent  des problématiques professionnelles que l’expatriation accentue ou crée, en mettant en difficulté le « conjoint suiveur » obligé de quitter son emploi par exemple.

L’exemple du conjoint suiveur : Jeanne

Prenons le cas des conjoints qui suivent leur époux/épouse dans le cadre d’une mutation professionnelle à l’étranger.  Ces personnes se retrouvent prises dans des défis d’adaptation au quotidien, accentués par le fait que ce qui constituait leur identité, notamment professionnelle n’est plus présente.

Jeanne est une jeune femme qui a suivi son mari à l’étranger avec leurs enfants.  Au fil des semaines, elle a le sentiment d’être la grande oubliée de cette expatriation. Passés l’excitation du départ et les premiers mois d’installation et d’organisation de la vie familiale, elle se retrouve face à elle-même. Elle ressent un sentiment d’isolement et de contrainte car elle n’a plus les aides dont elle bénéficiait en France. En décidant de consulter, elle a pu se reconnecter à ses potentialités afin d’y voir plus clair sur ce qu’elle pouvait et voulait faire dans sa « nouvelle » vie. En prenant conscience de ce qu’elle avait déjà pu réaliser jusqu’alors auprès de sa famille et en se reconnectant à ses capacités pour l’avenir, elle a pu obtenir des équivalences pour ses diplômes et reprendre une activité professionnelle.

Une problématique professionnelle accentuée par le fait d’être expatrié : Fabien

Prenons à présent l’exemple de Fabien qui stagne professionnellement. Il vit dans un lieu paradisiaque et pourtant il se sent « coincé » par sa famille restée en France et qui pense qu’il n’a pas de raison de se plaindre. Fabien se sent coincé car il a souhaité cette expatriation, il est parti enthousiaste avec femme et enfant. Seulement au quotidien lui faire vivre bien des difficultés auxquelles il doit faire face. De plus, la façon dont il est considéré comme « l’étranger » l’empêche de donner la pleine mesure dans son activité. Au point qu’il s’interroge sur l’orientation de sa carrière : il se sent à l’étroit et fini par se poser des questions de sens extrêmement inconfortables, d’autant plus qu’elles résonnent avec le fait que l’équilibre familial a enfin été trouvé sauf pour lui tout compte fait.

L’accompagnement thérapeutique mis en place lui a permis :

  • d’oser poser ses frustrations,
  • de voir de quelle façon il pouvait mieux communiquer avec sa famille en France,
  • de définir quelles actions à mettre en œuvre pour atteindre ses propres objectifs.

En tant qu’expatriés, il est important de se détacher des projections que les autres font sur vous et de vous reconnecter à vos besoins pour retrouver le confort intérieur dont vous avez besoin (un confort bien loin d’être lié au confort apparent tel qu’une aisance financière ou une belle maison par exemple). Avec tout ce que cela comporte de remise en cause intérieure…

La problématique du déracinement : Quentin

Une autre problématique liée à l’expatriation est le déracinement qui peut notamment être ressenti de manière très forte par les enfants et les adolescents. Constantin, un ado de 15 ans, se sent complètement décalé dans sa classe avec un choc culturel très fort, renforcé par une scolarité dans un établissement local.  Il faut dire que l’adolescence est l’âge ou l’on apprend à se connaître et la vie à l’étranger ne vient pas toujours aider ce processus de recherche identitaire. Pour Constantin, l’accompagnement thérapeutique a consisté dans un premier temps, à proposer un espace de parole où il a pu déposer sa frustration, dire sa colère de ne pas voir ses cousins ou d’avoir perdu tel ou tel avantage dont il bénéficiait avant l’expatriation. Il a pu ainsi parler de l’impression « d’être un ovni dans un environnement où il était le seul de son espèce ».  En construisant une stratégie pour dépasser sa frustration et voir sa situation d’expatrié comme source d’enrichissement, il a pu se rendre compte qu’il pouvait faire du plus avec du moins. Il a aussi pu relativiser les causes de son mal-être. En effet, il est souvent plus spontané de mettre en cause les éléments extérieurs à une situation plutôt que de s’interroger sur soi et sa propre responsabilité dans ce que l’on veut. Le rôle du thérapeute a alors été d’aider Quentin à identifier ce qui venait de lui, ce qui venait des autres et d’ajuster sa façon d’être à lui-même et aux autres.

Quand l’isolement lié à l’expatriation accentue une difficulté préexistante : l’exemple de Myriam

Myriam est une petite fille de 7 ans qui vit dans un pays sans aucune communauté française. La petite fille se montre en permanence en colère et dans l’opposition. Un comportement problématique qui existait déjà avant l’expatriation et qui a été renforcé avec cette nouvelle situation de vie. En effet, l’isolement dans laquelle sa famille se trouvait a renforcé la difficulté. Sa maman ne sait plus quoi faire : après avoir essayé la douceur, le dialogue, la compréhension, rien ne change. Privée de l’aide de ses proches avec un conjoint souvent absent, la maman se trouve démunie et désolée de voir sa petite fille si mal dans sa peau.

L’accompagnement thérapeutique a permis de créer un espace positif pour Myriam et une réassurance pour sa mère. L’accompagnement a consisté :

  • à écouter la souffrance de toute la famille,
  • de proposer d’autres modes d’expression pour Myriam,
  • d’identifier la source de ses colères.

L’accompagnement visait à soutenir cette maman, avec un impact positif pour le couple parental et les frères et sœurs. Restons positifs ! Le thérapeute voit souvent arriver les personnes en difficulté mais l’accompagnement proposé permet généralement que la difficulté n’évolue pas en souffrance ou en dépression. Mais l’expatriation est avant tout une expérience enrichissante qui renforce la capacité d’adaptation. Que les parents qui lisent cet article ne soient pas culpabilisés ! Vos enfants gagnent une telle richesse de la diversité qu’ils rencontrent qu’ils en sortent encore plus forts dans leur vie d’adulte.

Dans tous ces exemples, il est essentiel de comprendre que les situations aussi souffrantes soient elles ne sont pas impossibles à modifier.

La vie à l’étranger, si elle n’est pas toujours facile, est toujours enrichissante pour les adultes et pour les enfants. Elle permet de renforcer ses expériences et sa capacité d’adaptation.  

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