Réseaux sociaux et expatriation

Lorsque nous avons quitté la France, j’ai encouragé mes enfants à se créer un compte Facebook afin de rester en relation plus facilement avec leurs amis. J’ai fait la même chose, et temps que j’y étais, j’ai aussi créé un profil professionnel sur ce réseau social. Echange de quelques photos, de quelques articles, partages de livres… C’était il y a un siècle, en 2012 !

Réseaux sociaux et expatriation

En 2017, le réseau social Facebook continue de foisonner, et la nature des posts change. Ces dernières semaines, j’ai vu apparaître dans un des groupes, un post sur les machines à laver aux Etats-Unis versus machines à laver françaises. J’ai lu le post et suis passée à autre chose. Seulement voilà : ce post à généré tellement de commentaires, dont certains tellement virulents que les modérateurs ont dû intervenir. Puis, le post qu’ils ont écrit pour indiquer pourquoi ils ont bloqué le post a, à son tour, généré tellement de commentaires qu’ils ont dû les bloquer. Le thème a entraîné le départ de certains membres du groupe, puis un autre post a relancé ce qu’il convient d’appeler une polémique. Sur une question de machine à laver ??????????? Je n’ai pas lu tous les commentaires, juste quelques commentaires de commentaires, et je reconnais en avoir été bouche bée. Tout ça pour une question de machine à laver ???

Faudrait-il que chacun arrête de laver son linge sale en dehors de la famille ? Je sais : la blague semble facile, mais quand même :

  • quel est le sens profond de cela ?
  • pourquoi s’étriper entre compatriotes sur un tel sujet ?
  • faut-il en déduire que certains ont beaucoup de temps à y consacrer ?

Je pense que c’est plus compliqué que cela ; je crois que c’est une anecdote assez signifiante d’un certain nombre de difficultés liée à l’expatriation.

Je suis convaincue de la bienveillance qui circule généralement dans les groupes sur les réseaux sociaux. Je trouve d’ailleurs le concept tellement riche que j’ai ouvert un groupe spécifique pour favoriser l’échange d’information.  Facebook fonctionne bien avec l’expatriation :  j’ai d’ailleurs pu observer une démultiplication des groupes locaux, avec des modérateurs qui veillent à la qualité des échanges.

L’engouement sur les réseaux sociaux  : reflet de la difficulté de se faire une place de choix, accentuée en expatriation

L’engouement des expatriés sur les réseaux sociaux peut être :

  • le reflet de la difficulté d’avoir une intimité satisfaisante,
  • un lieu où l’on puisse parler de ses petits tracas de la vie sans incidence, juste pour échanger brièvement avec l’un ou l’autre.

La toile est devenue le déversoir de la pensée brute. Un lieu où le lieu de la pensée intime et le lieu de la pensée publique ne sont pas différenciés. Et c’est bien le problème. Certains écrivent comme ils pensent, ce qu’ils ne feraient pas dans un courrier, ils tapent sur leurs claviers les mots tels qu’ils leur viennent, une pensée qui se veut sans fard et qui finalement manque de pudeur.

L’écrit en ligne s’invite dans des tournures impunies, une évidence, un moment T, sorti de tout contexte, et finalement de toute communication.

Dans le cas cité, le sujet de la machine à laver est révélateur du combat intime, de vivre le mieux possible dans un environnement étranger. Ce tracas ménager qui fait que l’on ne se sent pas comme chez soi, ces choses que l’on ne dirait pas à nos hôtes dans ce pays qui n’est pas le nôtre.

Il y a deux voix :

  • l’une angélique qui nous serine de supporter, de ne pas râler, d’accepter,
  • et une autre plus connectée à notre effort d’adaptation, qui vient dire le ras-le bol sur des choses bénignes.

Il est peut-être plus acceptable de se plaindre de son linge resté sale, que de la rigidité administrative à laquelle on est confronté ; ces journées Kafkaïennes où l’on doit s’adapter encore et encore à des us et coutumes complexes car étrangers à nos références.

Et puis, il est aussi très humain de reprocher à l’autre ses errances, ou ses questionnements, avec des raccourcis rapides qui font d’une personne qui s’interroge sur un produit de grande consommation, « un imbécile », ou de tel autre qui partage une mésaventure, « un type jamais content ». On passe du petit événement à l’étiquette absolue et disproportionnée. L’esprit s’emballe, fait des associations absurdes et transforme en montagne un micro événement. Je le souligne dans les réseaux sociaux, il en va ainsi dans la vie en général. D’un point de vue psychique, voir les questionnements de l’autre peut:

  • soit nous fragiliser,
  • soit nous gonfler d’importance,

ce qui finalement est la même chose. En effet cela nous parle toujours de fragilité et d’angoisse.

Il est probable que si l’un des commentateurs du post auquel je fais référence lis ces lignes, il aura certainement son mot à dire, soit pour ajouter son point de vue, soit parce qu’il se sentira attaqué par mes propos, ou non reconnu, ou non considéré, ou juste l’esprit à polémiquer. La pensée de l’autre, son point de vue, interroge le droit à exister de nos propres points de vue, et réveille alors des réflexes de défenses archaïques.

Pourquoi la polémique enfle ? Chacun souhaite participer, le sujet secondaire devient « Le Sujet ». C’est intéressant de voir que, plus un post est commenté, plus il le sera. Est-ce à dire que le besoin intime de chacun d’être reconnu et écouté, trahit un besoin d’existence aux yeux des autres à défaut d’exister pour soi-même ?

J’ai publié un jour une annonce un peu inhabituelle. C’est incroyable l’ampleur que cela a pris  j’ai été accusée de tous les maux, et j’allais dire par tous les mots. C’est un cocktail d’a priori, de projections, une incapacité à prendre en compte la réalité de l’autre. Certains écrivaient tout un scenario sur ce que devait être ce projet un peu particulier selon eux, en quoi il marcherait ou ne marcherait pas, tous ces beaux discours émanant de leur pensée seule, dans une subjectivité totale et sans base réelle.

C’est intéressant aussi de voir comment nos représentations nous font créer des soi-disant réalités, ce qui soit dit en passant ne se voit pas seulement dans les réseaux sociaux…

C’est étonnant de voir comment la perte de la réalité s’inscrit dans l’écriture d’un post ou d’un commentaire. « Miroir Oh mon miroir, dis moi que je raisonne bien ». Tant pis si le raisonnement est dénué de tout ancrage réel, tant pis si cet éloignement de la réalité nous rend gratuitement agressif pour l’autre.

On a beaucoup dénoncé la recherche narcissique dans les fameux « like ». Elle est réelle, et, ma foi, pourquoi ne pas être sensible au succès d’une intervention ? Tout est une question de dosage, de systématisme. Le problème apparaît quand l’important n’est pas dans la recherche de la réalité mais dans l’effet produit, cela devient complètement délétère dans les relations entre les gens, comme cela devient délétère dans la vie publique.

La place des réseaux sociaux en expatriation est forte

Les réseaux sociaux constituent :

  • un moyen exponentiel de recueillir les informations dont on a besoin,
  • un canal de rencontres avec de nouvelles personnes,
  • une possibilité de garder un lien avec ses amis.

La bienveillance qui y circule en priorité, nous permet aussi de nous rassurer sur la capacité humaine d’entraide quand l’actualité mondiale insiste encore et encore sur les conflits et les violences.

Mais c’est aussi, pour certains, un moyen de rejouer indéfiniment leur sentiment d’existence, ce qui de fait parle de fragilité, et entraîne vite l’agressivité. Alors si un jour vous avez-vous-même été victime d’un emballement intempestif, dites-vous que celui qui vous agresse n’affirme ainsi que sa propre faiblesse, et ne vous laissez pas impressionner.

Un peu comme dans la vraie vie, en fait !

 

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